Interrogation littéraire sur le poststructuralisme de Babel

Publié le par Chris

 

 

 

 

               Le postsrtucturalisme est le fils parricide de la modernité. Issu du structuralisme et du grand courant de désillusion qui a balayé la fin du Xxème siècle. Il balaye les vieilles théories; le lien entre le signifiant et le signifié n'est plus parfait. Notre langage ne peut exprimer exactement la réalité, et notre raison construit une réalité qui n'est pas une réalité parfaite et objectif. La vérité totale n'existe plus. Notre monde est un monde construit par le langage. Par les mots, nous traçons la limite dans nos perceptions entre ce qui existe et ce qui n'existe pas. Le sens donne présence ou absence. De plus le langage est un processus temporel et le signifié est en perpétuel mouvement. Il n'est jamais absolument le même. A l'image des hommes. Nous ne sommes jamais en véritable accord avec nous-même. Une stabilité et unité de notre être de façon parfaite est un mythe. Je ne ferai jamais l'expérience dune « communion totale » avec moi-même. De ce fait, notre langage exprime ce décalage. Il est l'air que nous respirons, et il ne sera jamais complètement pur. Pourtant il nous semble si naturel de respirer, comme il nous semble normal de parler. En effet, c'est dans l'acte du langage que nous avons l'impression de plus communier avec soi-même. Et, à l'inverse, écrire nous dévoile l'aspect temporel du langage. Ce que nous avons écrit il y a 5 mois, lorsque nous le relisons n'a plus le même sens qu'au moment de l'écriture. Ainsi nous nous défions plus de l'écriture – bien que dans notre société nous écrivons de plus en plus, et parlons de moins en moins- car nous avons l'impression qu'il vole notre être, notre sentiment de coïncider notre esprit et nos perceptions.

 

                  Mais si la parole a en effet une expression où le facteur temporel est moindre, elle reste toujours pleine d'imperfection. Car l'homme n'est pas capable d'être en pleine possession de lui-même, de dominer son langage, de créer ses propres signifiants. Nous n'avons pas en nous cette transcendance. Rien ne nous assure cette transcendance. Qu'il se nomme Dieu, Idée, Soi, Substance, Matière etc... Ces avatars du fondamentalisme ne sont que des illusions. Ces fictions, ces « sens » des sens, ces paroles antérieures à toutes, ces transcendantaux, sont des mythes de la philosophie occidentale. Le mot « principe » ne décrit rien de réel. Il n'y a pas de valeur première; voilà la grande destruction de la fin de la modernité qu'exprime le poststructuralisme. Autorité, Ordre, Démocratie ou Liberté ne sont en rien des valeurs « premières ». Ce ne sont pas des origines, car nous n'arrivons pas à concevoir une origine sans vouloir la dépasser. Jacques Derrida a été un pionnier dans ces recherches. Mais pouvons-nous nous passer de ce besoin métaphysique? De ce besoin de fondation? D'origine? Et si non, comment l'utiliser en évitant les pièges du fondamentalisme et de son double opposé : le scepticisme. Je pense que toute nouvelle métaphysique devra se poser cette question. La destruction du fondamentalisme par le poststructuralisme permet de mettre de côté -temporairement- les grandes opérations binaire de l'esprit.

 

               Dans quel but pourrait-on se demander? Pour lutter contre les grandes idéologie, là où les idées se parent de majuscules saugrenues. Les idéologie aiment dessiner des frontières rigides entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Le soi et le non-soi. La vérité et le mensonge. Raison et folie. Centralité et marginalité. Les idéologies sont-elles nécessaires à l'homme? Sont-elles naturelles (je ne pense pas)? Ou pouvons-nous imaginer autre fonctionnement? Par le langage, pouvons-nous tenter de dépasser et d'échapper au sens qui tente de nous contenir – grâce à nous et contre nous parfois- dans le texte.

 

                  L'idéologie veut naturalisée sa réalité, la rendre rationnelle, la montrer comme réaliste. L'idéologie est un domaine qui s'est purgé de toute ambiguïté et de toute alternative. Ainsi tout les mouvements altermondialistes doivent se doter d'outil efficace pour lutter contre les idéologies. L'anarchisme, le féminisme, l'écologie, l'humanisme etc... Particulièrement en littérature, où le réalisme, l'autobiographie, le « fait », le « vécu » sont prônés plus que n'importe quelle autre tendance. Réalisme, montre la réalité tel qu'elle est, montrer la réalité, le monde, tel que Dieu pourrait se le représenter. Le postsrtucturalisme revendique que nous avons un monde parce que nous avons un langage, et que notre illusion du réel est une production de notre esprit. Ainsi tout métalangage est avant tout un langage avec ses faiblesses propres. Le rôle des postsrtucturalistes devient alors d'étudier et de désacraliser ce langage du langage. Leur questionnement peut se formuler ainsi : comment peut-on écrire dans une société industrielle où le discours s'est dégradé pour devenir un instrument au service de la science, du commerce, de la publicité et de la bureaucratie? Comment écrire sans défendre une idéologie de ce monde moderne? Comment écrire dans Babel sans reproduire la langue de Dieu? Pour qui écrire? Peut-on écrire sans cette idéologie, sans l'existence d'un cadre de croyances collectives? Et si oui, comment? Peut-on réinventer ces cadres? Ces questionnements marquent les limites de la littérature actuelle. Ils postulent et revendiquent que le langage peut être vu comme une alternative aux problèmes sociaux, un angle d'approche pointé sur leurs origines linguistiques.

 

                    Peut-être pour cela faut-il écrire pour écrire, comme fin et passion de l'écrivain. Le langage est le lieu où nous pouvons mettre en parenthèse toutes les réalités, les événements sociaux, ou les idéologies qui nous dominent dans toutes les autres aspects de la vie. Cette liberté, où nous pouvons prendre les mots pour ce qu'ils sont, des outils pour l'écriture, et des acteurs pour l'imagination, ne doit pas tomber dans le narcissisme ou la culpabilité sociale. Même le silence des symbolistes ou la neutralité des philosophes sont déjà des styles littéraires en soi. Mais la désinvolture de l'écriture et de la lecture est la forme de leur liberté. Je peux écrire en totale indifférence avec tel ou tel évènement politique, et je peux lire quoi que les médias veulent me faire croire. Le langage peut se montrer totalement étranger à la politique. Cette étrangeté, la littérature doit en rester consciente et en user pour rester un outil justement d'émancipation sociale. Mais comment cela peut-il se faire? Comment peut-on être un « littéraire » sans être complice de l'idéologie dominante de la société? Comment écrire en étant libre de ses mots? Je m'interroge.

 

 

 

 

Terry EAGLETON Critique et théorie littéraire : une introduction traduit de l'anglais par Waryse Souchard, Paris, PUF , 1994 (1983)

Publié dans fictions d'essai

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