Babel XXII - théâtre -

Publié le par Chris


( voir Babel VII et XIV )

2 hommes (x et y)  et 1 femme (f) , au milieu de la scène. Leurs habits sont en lambeaux. Ils courbent la tête, de fatigue peut-être. Seul x garde la tête relevé.

y - Et maintenant?
f - Maintenant? Quoi maintenant?
y - Et bien? Qu'allons-nous faire? Nous allons pas errer dans ces décombres jusqu'à la fin des temps.
x - Tu as raison. Trouvons des responsables de cette catastrophe !
f - Dieu?
x et y -  chuttt, voyons.

(un temps)

y - Cherchons plutôt ceux qui était à l'origine de tout ça. Tu vois?

x - Ouhla. Je te vois venir. Tu vas nous ressortir des vieux drapeaux troués par une lutte des classes, les chants et toute la vieille rhétorique rouge.

y - Et alors? Elle est approprié ici, non?

x - Et bien, dans ce cas, je peux te dire que j'étais responsable. J'étais un des dirigeants qui pilotait tout cela. Et que je ne regrette rien.

y et f : Quoi? Toi?

x - Oui, moi. Mais maintenant je suis au même état que vous. Quoique. Quand même un peu plus; je ne baisse pas la tête, moi!

f - Et tu n'as pas honte, devant ce carnage, tout ces morts? Et encore. Quand tu étais au pouvoir, tu ne ressentais rien? A quoi pensais-tu quand tu signais sur un bout de papier le destin de milliers d'hommes? Arrivais-tu seulement à dormir sans cachet?

x - J'arrivais même à me raser en me regardant droit dans les yeux, tout les matins. Non, je n'avais pas honte, je savais ce que je faisais. J'ai toujours tenu une ligne droite dans ma vie. Enfin, pas au début. C'était du bricolage, dans un premiers temps, j'avais encore quelques illusions.

f - Comme ?

x - Comme toi. La beautée des femmes. Le désir de justice, le bonheur personnel, ces théories de l'évolution, la spiritualité, tout cela. Je cherchais une raison de vivre là-dedans, et à chaque fois, je butais contre le mur de l'incohérence ou du non-sens illusoire. Mais c'est fini tout cela. Un matin, alors que je me rasais, je compris que je n'avais aucune raison vraiment solide de vivre, et qu'aucune de nos illusions raisonnées que l'on sert à la louche dans les rues pour les pauvres ne tenaient vraiment. J'ai pensé mourir, et puis cela m'a semblé trop bête.
f - dommage, tu aurais pu.

x - Oui, j'aurai pu. Mais avant de partir je voullais faire une dernière chose, une toute dernière chose.

y - Qu'étais-ce?

x - Défier Dieu! Et lui faire peur. Lui montrer que sa créature, qu'il avait fait à son image, pouvait l'égaler. Je n'étais pas le seul. Nous étions nombreux au sommet, à vouloir nous élever, au dessus de la terre, toucher les cieux. Au sommet de cette énorme tour, nous étions face à l'immensité dénué de silence, nous étions debout, l'orgueil en avant et nous disions au fond de nous: " Alors? Tu vois, créateur? Voila ton monde! En une vie, je l'ai détruis, à mon image! Ou te caches-tu? Aurais-tu peur? Trop pour intervenir? Je t'attends, ton fils est prêt.

f - Quelle folie !

x - Je ne regrette rien! Nous, nous avons osé vivre debout, la tête haute. Nous avons eu la fierté de vivre et l'orgueil de Dieu pour rêver. Vous étiez des fourmis, hommes décharnés sans rêves, et sans but, des fantômes errants. Nous, nous avons osé être des hommes. par notre oeuvre, nous avons été digne de notre pêre.

( un temps)

y (s'avancant, menacant) - je vais te tuer.

x (lui faisant face, écartant les bras, sourire ironique) -  Le voila, ton bouc émissaire, camarade !

Publié dans Babel - brouillons-

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