double inquiétude d'esthétique littéraire
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Une théorie psychologique soutient que lorsque l'on maitrise une action, on relègue cette action à une autre zone du cerveau pour l'effectuer de façon inconsciente. Ex: faire nos lacets et lire le journal. La littérature s'arrête et veut nous faire remarquer ce que nous ne remarquons plus. Car habituellement on reconnaît et on ne voit pas une phrase. Une lutte contre l'habitude, pour recréer l'univers. Ex : montrer la guerre ou la propriété des yeux d'un cheval qui ne les comprends pas et qui du coup nous montre l'absurdité de la chose décrite (Tolstoï). L'objectif esthétique est une lutte contre l'automatisme psychologique du langage. Une sorte de lutte contre soi-même, contre sa propre nature psychologique. Et pourtant cette lutte contre soi-même est nécessaire à la vie même car sans celui-ci notre univers se réduirait peu à peu et nous deviendrons des automates, pire ou égal à des animaux. La survie est donc être passif à sa nature, alors que vivre c'est être en lutte contre sa propre nature. La littérature est un de ces champs de bataille. Mais à toujours créer l'effet d'étrangeté, comme en art, il faut créer la surprise de par une destruction d'un mécanisme. Que fut-il déconstruire encore dans notre langage? Ou se cache le plus intime de nos mécanisme d'expression qui n'a pas encore été détruit par les écrivains?
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Une autre thèse littéraire dit que la valeur littéraire d'un texte ne dépends pas du texte, mais du système où il est. Ce système est l'ensemble des facteurs littéraires d'une culture donnée à une époque donnée. Il peut – et doit? - et doit exister plusieurs systèmes, dites écoles ou courants, en lutte, qui s'affrontent. Mais cette thèse donne une profonde valeur historique au texte littéraire. Or, à notre époque de plein relativisme, il n'y a de succès possible plus que pour notre époque, la notre. Il n'y a plus aucun calcul apparent possible pour le futur. Ce que j'écris maintenant n'a de valeur que maintenant, dans mon système, et mes mots n'ont aucun avenir certain ensuite. Ce relativisme me semble isolé l'homme et le placer comme un point dans l'histoire, contingent à son illusoire importance dans le monde. De plus, nous disons actuellement que les choses vont plus vite, que les luttes de système se font plus violentes, plus rapide. La durée de temps que je peux m'accorder pour créer dans un système diminue, car la durée de survie de ce système diminue lui-aussi. Faut-il se résigner à n'écrire que pour maintenant? En écrivant vite et sur maintenant. L'immédiat, le rapide et l'inconscient de sa vitesse.